Approchez du foyer, n’ayez crainte, si sombres que soient les nouvelles que je porte, la bière est fraîche le pain moelleux. Ecoutez, écoutez, vous qui êtes ici rassemblés, les mots d’un ménestrel voué à la vérité.
Tristes sont les nouvelles en effet : alors que depuis deux étés nos côtes connaissent enfin la paix, alors que cet automne liesse fut faite en l’honneur de notre douce reine, Dame Patience, qui portait enfin un héritier, nous coupons désormais nos cheveux pour pleurer son décès.
C’est au domaine de Flétribois, où elle allait quérir refuge pour la fin de sa grossesse, loin de la fatigue de la Cour et du froid mordant des vents d’hiver à Castelcerf, que Dame Patience a trouvé la mort après qu’un chien enragé l’a mordu alors qu’elle faisait l’aumône à un mendiant au sortir de Chênes-les-Eaux. Alors que la mort de la Maîtresse d’Art, cet été, revendiquée par les Pies est encore sur toutes les bouches, la question se pose et brûle les lèvres : qui a assassiné la Reine ? Pourquoi ce chien, porteur d’une maladie mortelle, s’est dirigé droit sur elle pour la mordre alors qu’il y avait d’autres personnes autour de la bête ?
Les vifiers se manifestent, les Pies prennent des otages, revendiquent ouvertement des actions contre le Roi et ses Ducs. Et, alors que la guerre contre les Outrîliens a laissé le pays exsangue, voilà que de nouveau l’ombre d’un conflit plus sournois plane sur les Six Duchés. Mais je suis un ménestrel voué à la vérité, je ne dis que ce qui est, ce qui a été, et ne me prononce pas sur ce qui sera. Crise politique car le Roi Juste n’a aucun héritier direct, crise sociale et magique, mes yeux verront, ma langue dira, mais en un autre temps, quand les chroniques des Six-Duchés se seront écrites d’elles-mêmes.
Et vous, voyageur, pourquoi êtes-vous là ? Allez vous prendre part à l’histoire, ma bouche narrera-t-elle un jour vos Chroniques ?
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